Une fatigue qui ne passe pas. Une douleur qui erre dans tout le corps sans raison apparente. Et en réponse ? Des regards sceptiques, des diagnostics absents, des soupirs d’impuissance. La fibromyalgie existe, mais dans les couloirs de la médecine marocaine, elle semble parfois n’être qu’un fantôme.
La Première peine : la douleur physique
La fibromyalgie est une affection chronique caractérisée par des douleurs diffuses, ainsi qu’une hypersensibilité sensorielle généralisée, représente un véritable handicap fonctionnel, malgré l’absence de lésions détectables à l’imagerie médicale ou aux examens biologiques standards.
Ce paradoxe rend son diagnostic long et complexe. Ce n’est qu’après de nombreuses consultations, exclusions diagnostiques, et recherches approfondies que le diagnostic de fibromyalgie est posé, souvent tardivement.
Elle ne vole pas seulement l’énergie, mais l’autonomie, l’activité professionnelle, et parfois, la dignité sociale du patient
La deuxième peine : la honte sociale dans un contexte marocain
Lors d’un témoignage poignant diffusé par « ça commence aujourd’hui-France télévisions » , une patiente française confiait qu’il lui avait fallu soixante consultations avant qu’un diagnostic de fibromyalgie ne soit enfin posé. Soixante. Dans un pays comme le Maroc, cette réalité soulève des questions douloureuses : combien de patient·es peuvent se permettre un tel parcours médical ? Combien sont soutenu·es par leurs proches dans une société où la douleur invisible est rapidement associée à la paresse ou à un trouble de l’humeur ?
La fibromyalgie, par son absence de preuves objectives à l’imagerie ou à la biologie, peine à être reconnue par les systèmes de couverture médicale. Or, sans diagnostic officiel, les patient·es n’ont pas accès à la kinésithérapie, au soutien psychologique, ou à toute autre prise en charge spécialisée. Ce vide médical laisse souvent place à des dérives culturelles : certains se tournent vers des explications surnaturelles, évoquant le mauvais œil, la sorcellerie ou la punition divine.
Facteurs encourageant ces dérives culturelles :
Le manque cruel de spécialistes sensibilisés à cette pathologie, l’absence de protocoles nationaux, et la pauvreté des infrastructures de soins en santé mentale ou douleur chronique compliquent davantage le diagnostic et la prise en charge. À cela s’ajoute une stigmatisation, souvent parce que la maladie touche majoritairement les femmes : leurs plaintes sont souvent minimisées, qualifiées d’exagérées, voire imaginaires.
Au Maroc, aucun chiffre officiel ne recense les cas de fibromyalgie. Aucune recherche publique majeure n’est en cours sur le sujet. Cette invisibilité institutionnelle entretient une connaissance limitée, même au sein du corps médical, qui tend parfois à réduire la souffrance à une simple projection psychique.
Cette dévalorisation constante a des conséquences lourdes, pour beaucoup de patient·es, la douleur n’est pas seulement physique : elle est sociale, morale, existentielle. Et tant que cette maladie restera sans nom, sans chiffre, sans reconnaissance, elle continuera à broyer en silence des vies entières.
Conclusion : sortir du silence pas à pas :
La fibromyalgie ne se guérit pas, mais des traitements peuvent améliorer la qualité de vie : antidépresseurs, antiépileptiques, kinésithérapie, et activité physique adaptée comme l’aquagym ou la marche. Au Maroc, l’Association Marocaine des Malades de la Fibromyalgie œuvre pour la reconnaissance et le soutien des patient·es.
Bien sûr, il serait utopique d’imaginer que le Maroc devienne du jour au lendemain un modèle de prise en charge de cette maladie complexe. Le changement commence ailleurs : dans les mentalités. Dans une société où la douleur est encore interprétée comme faiblesse, fainéantise ou malédiction, il faut d’abord déconstruire la honte. Sensibiliser, éduquer, écouter.Car reconnaître la souffrance, c’est déjà commencer à la soulager.