Malgré les avancées internationales, les données locales restent fragmentaires. La prévalence du lupus y est mal estimée, freinant l’élaboration de politiques de santé publique adaptées. Des insuffisances organisationnelles compliquent l’évaluation réelle de l’impact de cette maladie.
Retards diagnostiques fréquents :
Au Maroc, le diagnostic du lupus érythémateux disséminé reste souvent tardif, en raison de
manifestations cliniques non spécifiques (asthénie, arthralgies, fièvre) et d’un accès limité aux examensp immunologiques. Cette errance diagnostique retarde la prise en charge et aggrave le pronostic, notamment rénal et neurologique.
Inégalités d’accès aux soins spécialisés :
L’accès aux soins spécialisés reste marqué par de profondes inégalités. D’une part, les
spécialistes (rhumatologues, internistes, néphrologues) sont principalement concentrés dans les grandes villes, forçant les patients ruraux à parcourir de longues distances pour un suivi adapté. D’autre part, les contraintes financières (coûts élevés des consultations, traitements onéreux, couverture médicale insuffisante) limitent l’accès aux soins pour une grande partie de la population.
Face à ces défis, plusieurs pistes d’amélioration sont envisageables : le renforcement de la formation médicale continue, la sensibilisation du public aux signes précoces du lupus, et la création de centres spécialisés dans les maladies auto immunes.
Problèmes psychosociaux et qualité de vie :
En effet, on compte près de 20 000 femmes atteintes du lupus au Maroc. Une étude transversale réalisée au sein du service de médecine interne du CHU Hassan II de Fès a trouvé que 55,4 % des patientes souffrent d’anxiété et 57,4 % de dépression, ces facteurs sont aggravés en l’absence de soutien psychologique dans les structures publiques. Ces troubles s’accompagnent souvent d’une stigmatisation, notamment dans le cadre du mariage d’où l’intégration à la santé mentale est primordiale.
Failles dans l’éducation thérapeutique du patient (ETP) lupique :
ETP, notamment en raison du manque de programmes dédiés, reste marginale. L’implication du patient reste limitée, faute d’outils et d’un accompagnement adéquat pour l’aider à devenir acteur de sa santé. Par ailleurs, les inégalités d’accès persistent, du fait d’obstacles géographiques, économiques et culturels qui réduisent l’accès aux soins et à l’information. En outre, la méconnaissance de la maladie et la stigmatisation qui l’entoure contribuent à renforcer l’isolement des patients.
Enfin, l’évaluation insuffisante des programmes ETP, dont les effets sont rarement mesurés ou adaptés aux besoins réels des patients, constitue une dernière limite majeure.
Perspectives et priorités :
L’AMMAIS (Association Marocaine des Maladies Auto-immunes et Systémiques) organise des Journées de l’Auto-immunité visant à informer les patients et professionnels de santé sur l’avancée des recherches et innovations thérapeutiques concernant les maladies auto-immunes rares. De plus, l’AMMAIS a unifié des associations de maladies rares tel que le Lupus en une plateforme commune, l’AMRM, afin d’élaborer un plan national pour ces maladies. Cette coalition tend à œuvrer pour la reconnaissance des maladies rares comme une priorité de santé publique. Ainsi, il s’agit d’abord de développer des centres de références nationaux pour l’expertise et des centres de compétences régionaux pour les soins. D’autre part, faciliter l’accès aux traitements essentiels, comme le Plaquenil, reste une priorité.
Enfin, une formation poussée des professionnels de santé aux maladies rares favorise une évaluation appropriée des soins à dispenser aux patients.
Face aux défis diagnostiques, thérapeutiques et sociaux, une réponse globale s’impose, alliant sensibilisation, formation, équité d’accès aux soins et reconnaissance institutionnelle. À travers des actions coordonnées, il est possible de transformer le vécu des patients et de leur offrir une prise en charge digne, humaine et adaptée.